Ma bibliothèque
CB007 | Lundi 26 mars 2007 à 23:37 | ADG par lui même
« Ça a commencé comme ça », dit Bardamu au début du « Voyage au bout de la nuit » et précisément, c’est par Louis-Ferdinand Céline que je suis arrivé à la droite nationale. Non pas que j’étais de gauche puisque, contre le sentiment de ma famille qui l’était, je voulais devenir officier et que la politique gaullienne concernant l’Algérie française m’avait passablement dégoûté de cet état, mais parce que j’étais assez indifférent. La découverte du chef-d’œuvre du bon docteur Destouches changea tout cela et je n’eus de cesse d’avoir tout lu. Étant bouquiniste et lisant mon fonds davantage que le vendant, je n’eus pas de peine à assouvir mes faims de lecteur et la découverte des pamphlets me secoua rudement au point que j’écrivis pendant longtemps avec des petits points mais, je le crains, sans le génie dévastateur de Meudon.

Ma période célinienne
La réaction redressa la tête et se mit en chaîne pour me donner « Les décombres » de Rebatet. Qui parlait de Maurras. Que je lus. Qui m'envoya Bainville et me renvoya vers Léon Daudet . Dès lors, j’étais pris dans l’engrenage et si le journalisme mène à tout, en ce qui me concerne, ce fut la littérature qui me mena vers le journalisme de combat. Mais d’autres lectures déterminèrent aussi mon choix de vie : celle des fabuleuses « Série Noire » du très grand Albert Simonin qui me prouvèrent qu’on pouvait écrire des « polars » (ce vilain terme n’existait alors pas) sans déchoir, et qui firent que c’est à la Série Noire que j’envoyais mon premier manuscrit. Tous les ans, je relis « Touchez pas au grisbi », « Grisbi or not grisbi », « Une balle dans le canon » et autres romans noirs de celui qui fut mon maître d’écriture et dont le dernier livre, « Confessions d’un enfant de la Chapelle » m’émeut toujours autant.
Mes choix de lecture étaient bien souvent d’ordre politique ou, plus exactement, de réaction.Jean Bourdier, avec qui j’ai longtemps travaillé, guida mes choix qui allèrent de la découverte des « Hussards » (ah, « Un singe en hiver » et « Monsieur Jadis » de Blondin – mais surtout « L’Europe buissonnière » – ah, Jacques Laurent pour « Les bêtises » mais surtout pour « Les corps tranquilles » qui est un monument du XXe siècle et un « livre-tuteur », c’est-à-dire une de ces œuvres que chaque écrivain lit et relit pendant qu’il écrit car il s ‘y trouve conforté et enrichi), à celle de la découverte des humoristes anglo-saxons tels que Wodehouse, Saki et Evelyn Waugh pour qui j’ai une tendresse toute particulière à cause de son roman « Scoop ». Je reviens à Cécil Saint-Laurent qui est, on le sait, le double léger de Jacques Laurent parce que je crois que lui aussi a conditionné mon écriture : c’est en pensant fortement à lui (et en particulier au remarquable « Hortense 14-18 » où l’auteur se livre à un époustouflant pastiche de Proust) que j’ai entamé la rédaction du « Grand Sud » où passent aussi les quatre ombres pugnaces des « Trois mousquetaires », qui m’est un livre de chevet. J’ai moins de goût pour « Caroline Chérie », mais une bonne affection pour sa « Communarde ».
Sorti de ma période célinienne dont, avec le temps, je m’étais rendu compte qu’il n’était qu’un génial mécano des Lettres mais qu’il n’avait en définitive pas grand-chose à dire, je sentais bien que j’avais besoin d’un papa de remplacement : ce fut Vladimir Nabokov dont, comme tout adolescent, j’avais lu « Lolita » en espérant y trouver des scènes graveleuses et que je repris plus tard pour découvrir qu’il s’agissait en fait d’une étonnante quête du Graal en même temps qu’un très malicieux voyage initiatique. Mais ce fut avec « Ada » que je compris que j’avais trouvé mon Maître. Dans ce gros roman fascinant, Nabokov, aristocrate slave d’un élitisme farouche, se donne le luxe d’écrire cinquante pages d’entrée propres – il l’avoue au détour d’une phrase – à décourager les imbéciles d’y entrer. Puis, se frottant les mains de jubilation, Nabokov nous annonce que maintenant que nous sommes entre nous, on va pouvoir y aller. C’est d’une insolence et d’un courage inouïs.
Là aussi, comme pour Céline, j’ai TOUT lu de Nabokov, mais à la différence du premier, dont j’ai revendu les œuvres complètes (dont quelques belles éditions originales) et toutes les études parues sur lui afin de payer mon voyage en Nouvelle-Calédonie (par la même occasion, j’avais aussi fourgué les quelque 1 500 volumes de la Série Noire qui s’empoussiéraient dans mon appartement parisien), j’ai gardé mes Nabokov que je relis chaque année.
Dans cette bibliothèque dispersée entre mes cantines tourangelles et calédoniennes, on trouve encore Jacques Perret, où tout m’est bonheur, depuis les romans « autobiographiques » comme « Le Caporal épinglé » et « Bande à part », jusqu’à ses récits marins où ses feux follets – qui ne font pas d’artifice – de style font merveille et qui me touchent encore davantage depuis que je vis sur une île entourée de bateaux.
Mes arches de Noé
Une île ? Mais bon sang, j’allais oublier « Robinson Crusoë » et « L’Ile au trésor » et « Mes arches de Noé » de Michel Déon dont « Les Poneys sauvages » et « Je ne veux jamais l’oublier » ne me quittent jamais. Bateaux ? « Trois hommes dans un bateau » de Jérôme K. Jérôme, « Un capitaine de 15 ans », « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne.
C’est comme Dickens que j’allais passer sous silence, alors que « Mr. Pickwick » me comble toujours d’aise et Vialatte qui me fait rire aux larmes (je viens de lire « Eloge du homard et autres insectes utiles ») et Marcel Pagnol dont la trilogie de souvenirs est un perpétuel délice.
On voit par là que ma bibliothèque n’est pas un sinistre Panthéon, mais je crains bien d’être perdu de réputation si j’avoue que la bande dessinée occupe aussi pas mal de mes cantines. Tout ce qu’a fait Goscinny est gardé, mais Gotlib et Lauzier – mais aussi mon vieux camarade De Beketch.
Et ce n’est pas par copinage – bien que je ne mette aucune connotation péjorative à cette expression, s’ils sont mes amis, c’est parce que j’aime ce qu’ils font et ce qu’ils sont, c’est parce qu’ils sont mes amis – qu’après Serge, je citerai Jean Bourdier avec son hilarant « A la mer comme à la mer », sa « citadelle du désert » qui, quoique d’une érudition un peu légère , tient bien la route, Pierre Durand pour son étude érudite sur Louise Michel, Alain Sanders pour « Mémoires d’un indifférent », Alphonse Boudard pour presque tout, et que j’ai une pensée émue pour Michel Audiard dont « La mort du petit cheval » et « répète un peu ce que tu viens de dire » ont prouvé qu’ils étaient parmi les meilleurs.J’aime aussi passionnément Jean Raspail pour toute son œuvre présente, passée et à venir.
J’en oublie certainement parce que je suis coutumier du « bovarysme littéraire » (par exemple Geneviève Dormann), mais je dois refermer mes cantines de livres en espérant pouvoir bientôt les remettre sur mes rayons. Sous mes latitudes antipodistes, ce seront toujours des rayons de soleil…
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